La genèse du projet 2002
Partie 1 : Mon séjour à Bodhgaya en 2002
Auteur : Arnaud Guétcheu
L’association L’Ecole des Soleils est une association à but humanitaire, sans aucun caractère confessionnel ou politique. Toutefois sa genèse ne peut être dissociée du cadre dans lequel elle a vu le jour, puisqu’elle se situe à Bodhgaya, le lieu sacré où le Bouddha a atteint l’illumination. Les articles qui vont décrire la genèse de ce projet visent seulement à transmettre la “saveur” et le cadre culturel dans lesquels vivent nos amis indiens concernés par le projet. Bien qu’ils soient hindouistes, leur vie est indissociable de la vie du Bouddha : hormis les bienfaiteurs français, une large partie des bienfaiteurs seront des pèlerins de Bodhgaya. Bodhgaya est une petite ville de quelque milliers d’Indiens. A la haute-saison (mi-décembre à mars), des dizaines de milliers de pèlerins (dont une grande majorité de tibétains) viennent animer la ville.
Les articles exposant la genèse du projet ont aussi pour but de vous présenter le cadre culturel où vous pourriez être “immergés” lors de vos voyages à L’Ecole des Soleils.
Genèse du projet :
En janvier 2002, juste après ma sortie de retraite de un en novembre 2001, j’ai fait mon premier voyage en Inde lors dans le cadre d’un pèlerinage, dirigé par Drukchèn Rinpoché, un grand maître tibétain.
Nous nous sommes rendus sur des lieux saints liés au Bouddha, dont Bodhgaya où il atteint l’éveil. Après ce pèlerinage d’une quinzaine de jours, j’ai décidé d’utiliser les trois mois de validité de mon visa pour parcourir l’Inde. Si dans un premier temps mon envie de découvrir l’Inde de long et en large était forte, je me suis vite fait magnétiser par la douceur de Bodhgaya : la quiétude sous l’arbre du Bouddha, la paisible atmosphère des nombreux temples, la chaleur des indiens malgré leur dénuement… et le climat parfait m’ont cloué sur place avec douceur ; plaçant aux oubliettes les multiples destinations initialement prévues. Je suis donc resté trois mois à Bodhagaya, où, est-il dit, tous les bouddhas atteindront l’éveil.
La beauté et la douceur de ce séjour ont pénétré mon cœur, mon corps et mon âme. Elles ont cellé à jamais la certitude que la vie devait être dédiée au repos en la bonté… une douce bonté qui nourrit, comble et fait de la vie une friandise aux multiples facettes à partager.
J’ai résidé deux mois chez Shiva avec qui j’ai tissé des liens étroits, sincères et profonds. Shiva a été rickshaw-wala : durant de longues années il a conduit un taxi à pédales à trois roues ; c’est un travail de force très difficile souvent exposé à de très fortes chaleurs.
Découvrir la difficulté de ce métier fut sans doute l’une des expériences les plus marquantes de mon premier séjour en Inde. Mais l’Inde est riche de ce type d’expérience ! En rencontrant Shiva, qui avait fait ce métier durant de longues années, j’ai mesuré combien il est difficile pour eux de changer de profession. Certes l’abolition des castes est officielle en Inde, mais elles restent encore très présentes. Changer de niveau social est encore bien difficile, voire impossible pour certains.
J’ai donc logé deux mois et demi chez Shiva. Cet homme d’une grande bonté avait su et pu quitter cette condition de chauffeur de force et s’élever peu à peu : dans un premier temps il eut une petite échoppe à roulettes où il vendait du papier hygiénique ! Puis il réussit à ouvrir un restaurant avec un ami : The original Polé Polé.
Bien que ce restaurant figure dans l’OnelyPlanet, il n’en demeure pas moins un restaurant aux faibles revenus. Ayant pour clientèle principalement des pèlerins logeant dans le monastère situé de l’autre côté de la rue, ce petit restaurant très « roots » (une paillotte) n’est pas une source de revenu extraordinaire, c’est le moins que l’on puisse dire ! Néanmoins, il a permis à Shiva de scolariser ses enfants sans trop de difficulté, un bienfaiteur espagnol venait parfois le soutenir. Le restaurant n’est ouvert qu’à la haute saison qui apporte son lot de pèlerins tibétains, asiatiques et occidentaux. Shiva s’est élevé peu à peu socialement mais son niveau de vie reste bien bas, un bref coup d’œil en son logis éclaire à ce sujet ! Ces dernières années, la fréquentation du restaurant a chuté fortement, il est désormais en difficulté pour assumer la scolarisation de ses enfants qui sont désormais au lycée.
Avant de quitter Bodhagaya, fin mars 2002, j’ai offert à ses deux garçons, Manoj et Niranjan, tout le nécessaire pour la nouvelle année scolaire (deux tenues pour l’école chacun, un cartable, des cahiers, stylos, livres… et l’inscription à l’école). Ceci ne représenta qu’une centaine d’euros ! Cette somme restait bien inférieure à la valeur de leur accueil chaleureux durant ces deux mois et demi à la maison.
Pour les remercier du séjour j’ai acheté une machine pour couper la paille. Tous les matins, leur plus jeune fille Rinku, alors âgée de quatorze ans, coupait la paille à la main pour alimenter leur buffle et confectionner les briquettes à base de paille et de bouse qui constituait le carburant pour le feu. Les chapatis, fines galettes de pain blanc accompagnant le riz et les légumes, préparées et cuites par Rinku avait une saveur enrichie par tout ce contexte.
Rinku quant à elle aurait préféré que j’achète une machine à coudre. L’avenir verra sans doute fleurir ce souhait.
En quittant Bodhgaya et Shiva, je me suis promis d’y retourner et de contribuer à l’amélioration de leur vie. L’Inde est un pays où plus d’un milliard de personnes vivant bien en dessous de notre niveau de vie occidental. Etre resté longuement chez des locaux devenus amis laisse une douce empreinte qui redéfinit les priorités de la vie et modifie la hiérarchie des objectifs et des valeurs. Ce voyage a semé en moi une graine pleine d’amitié, de fraternité. Il m’est donné aujourd’hui de laisser cette relation se déployer en d’altruistes et fraternels projets.
Quelques images du voyage 2002:
Nous en resterons là pour aujourd’hui. C’est un plaisir de vous relater les débuts de cette belle aventure.
Dans le prochain article je vous parlerai de mes retrouvailles avec Shiva en juillet 2011, ainsi que mon voyage dans le village en février 2012 accompagné de cinq amis dijonnais. Certains d’entre eux ont déjà manifesté l’intention de s’impliquer activement dans cet altruiste projet. Dans le prochain article, j’aborderai concrètement le projet de création de L’Ecole des Soleils.
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